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nov 15

Mon Paris pleure des larmes d’espoir…

Mon Paris pleure des larmes d'espoir.

 
Je ne savais pas très bien comment commencer ce texte. Je ne savais pas si je saurais m'exprimer.
Avant cette année, je n'imaginais pas, je ne réalisais pas... Depuis cette année, je sais malheureusement que Paris, que mon pays, peut être terriblement blessé, injustement. Comme la plupart des parisiens et des français, depuis cet horrible vendredi 13 je me sens encore en deuil. En deuil parce que, une fois encore cette année, des barbares se sont attaqués à ma famille. Pourtant, j'ai la chance incroyable de n'avoir eu aucun proche directement touché.

Mais Paris, c'est MA maison, MA famille. Tous ceux qui me connaissent savent qu'on peut difficilement être plus parisienne que moi. Je suis née, je vis et je vivrai probablement toute ma vie à Paris. J'adore réellement Paris. J'aime y flâner, aller au théâtre, voir des expos, y retrouver des amis... Mais ce que je préfère faire à Paris, c'est sortir boire un verre à la terrasse d'un café et aller manger au restaurant. La preuve que j'y passe beaucoup de mon temps libre, c'est que mon fils, deux ans et demi, a pris l'habitude depuis un moment déjà de réclamer, dès qu'on rentre dans un café, son verre d'eau avec sa paille et sa tranche de citron. C'est dire! Et si vous saviez comme je l'aime cette habitude!

Alors oui, je me suis sentie attaquée. Se dire que ça aurait pu toucher n'importe qui, que j'aurais pu connaitre beaucoup de monde dans cette liste de victimes, que ça aurait pu être moi ou un de mes proches, c'est surréaliste. Imaginer les scènes qui se sont déroulées en plein Paris, c'est surréaliste. Même ces images sont surréalistes.

 

Quand je pense aux disparus et à tous ceux qui vont devoir survivre après avoir vécu ce cauchemar directement ou indirectement, je ressens une profonde tristesse, mais je ne sais pas comment l'exprimer.
Je me suis même demandée si j'en avais le droit? Pourquoi m'exprimer sur le sujet? J'ai l'impression que tout a déjà été dit, tout a déjà été écrit, tout a déjà été montré.

Mais après tout, pourquoi pas? Même si mes mots sont maladroits, même si ce n'est clairement pas l'endroit adéquat, même si ça n'apporte pas grand chose, j'avais besoin de m'exprimer pour sortir de ma léthargie et de mon état de choc. Je le fais pour moi.

 

Car comme beaucoup, la semaine dernière j'ai vraiment eu du mal à me concentrer sur le boulot, l'esprit trop occupé.
Alors j'ai pris du temps.

Le temps de pleurer. Beaucoup, car pleurer ça fait du bien.

Le temps de découvrir qui étaient les victimes à travers les témoignages bouleversants de leurs proches. Comme si j'avais besoin de les connaitre pour ne pas les oublier. C'est tellement injuste. J'ai longuement regardé leurs portraits, je les ai trouvés jeunes, beaux, souriants, et je me suis surprise à penser que j'espérais que leurs proches conservent suffisamment de photos d'eux et des bons moments qu'ils avaient passé ensemble. Déformation professionnelle sans doute...

Le temps de griffonner mes pensées, parce qu'écrire c'est souvent le moyen pour moi d'arrêter de trop penser.

Le temps de lire surtout. Les témoignages poignants des rescapés, les hommages plus touchants les uns que les autres, les magnifiques textes d'artistes, de journalistes ou d'anonymes, les textes et les dessins humoristiques aussi, car ça fait du bien de rire. J'ai lu, regardé, écouté énormément de choses, car j'ai aimé ce que j'y ai vu: beaucoup de force, de courage, de compassion, d'amour et d'espoir.

Et le temps d'aller me promener. J'avais besoin de le sentir, l'écouter, le voir mon Paris endolori.
Alors mercredi dernier, je suis allée me recueillir sur les différents lieux, sous la pluie, en ayant oublié mon parapluie comme d'habitude. Je ne pensais pas y rester longtemps, mais je m'y suis sentie bien et les heures ont filé. Etonnamment, l'atmosphère semblait presque paisible. Il y avait un peu de monde, malgré la pluie. Des gens terriblement émus, forcément. Des gens de tout âge, de toutes les couleurs, de toutes les religions. Des parisiens et des touristes. Des couples d'amoureux, des gens seuls, des bandes de copains. Des gens en larmes, mais des gens qui riaient aussi. Le Paris que je connais en somme, certes blessé et endeuillé, mais toujours bien vivant.

 

 

Et comme toujours, je l'ai trouvé belle ma ville.

 

Belle comme cette femme qui s'obstinait à rallumer toutes les bougies devant elle malgré la pluie.

Belle comme cette gamine, d'une dizaine d'années peut-être, qui s'est mise à chanter Edith Piaf devant les montagnes de fleurs, devant ses parents et devant tous les passants, avec une voix à vous hérisser les poils sur les bras. Un moment hors du temps comme je les aime.

Belle comme ce papa qui, terriblement ému par la fillette, l'a enregistrée pour pouvoir envoyer la vidéo à sa fille, et qui s'est ensuite passé l'enregistrement en boucle. La voix de la fillette nous a ainsi accompagnés encore une bonne quinzaine de minutes.

Belle comme cette vieille dame qui m'a proposé un coin de son parapluie, lorsqu'il s'est mis à pleuvoir vraiment fort. Je suis restée sous son parapluie une bonne dizaine de minutes, le temps que la pluie se calme, à parler des événements bien sûr, mais de la météo surtout. Et ça m'a fait sourire.

Belle comme ces deux femmes qui ne se connaissaient pas et qui pourtant se sont serrées dans les bras pour se dire au revoir, après avoir discuté de leurs croyances et de l'importance du respect, l'une catholique, l'autre musulmane.

Belle comme cette jeune femme qui a pris le temps d'enlever toutes les feuilles mortes le long des grilles du square, puis de bien replacer toutes les fleurs et toutes les bougies pour rendre l'allée d'hommages la plus belle possible, malgré l'automne, malgré la pluie.

Belle comme tous ces hommages, tous ces textes poétiques, tous ces dessins d'enfant, tous plus émouvants les uns que les autres et que j'ai trouvés particulièrement remplis d'espoir et d'optimisme.

 

 

Alors j'ai sorti mon appareil photo. Au début, je ne pensais pas spécialement m'en servir, j'avais trop vu d'images tristes des lieux.
Mais je voulais quand même pouvoir me souvenir de ce que je voyais. Ma manière à moi de rendre hommage aux victimes, de pleurer avec leurs proches. Des photos pour que tous ces magnifiques témoignages d'amour et d'espoir ne soient pas effacés par la pluie.
Des photos pour ne pas oublier.

 

Car c'est pour ça que je photographie tout depuis que je suis toute petite.
Pour me souvenir, de tout, tout le temps et pour toujours.

 

 

Et ce dont j'ai envie de me souvenir là, aujourd'hui, comme après les attentats de Charlie, c'est de cette France solidaire, unie, respectueuse, empathique et optimiste, cette France qui se parle, qui se soutient et se sourit, cette France qui croit à ses valeurs, à sa liberté et à son avenir, cette France qui existe réellement, mais qu'on a tendance à oublier à force de n'entendre que les râleurs, les grincheux, les pessimistes et les frustrés.

 

Alors certes, je ne suis probablement qu'une espèce de hippie idéaliste comme se plait à me le répéter mon mari, mais je n'ai pas l'intention de changer. Car oui, j'y crois à tous ces messages d'espoir.

Je crois qu'on peut changer le monde avec de l'amour et des sourires. Je crois que c'est après les pires tempêtes que naissent les plus beaux arc-en-ciel. Je crois que la vie est belle, même si elle est parfois très assombrie, même si elle est plus facile pour certains et plus difficile pour d'autres.

Et même si je me sens parfaitement inutile face à tout ça, je vais l'aimer encore un peu plus fort ma vie et en prendre soin. Prendre le temps de profiter des gens que j'aime et peut-être leur dire un peu plus souvent que je les aime. Apprendre à mon fils à grandir en ouvrant son cœur aux autres, lui apprendre le respect, la tolérance et l'optimisme, et lui apprendre à rire et à aimer la vie autant que moi.

Et on continuera bien sûr à aller trinquer ensemble à la terrasse des cafés. Tchin.

 

 

En mémoire de toutes les victimes de cette barbarie, à Paris et partout dans le monde...

Si vous souhaitez découvrir plus de photos de ma balade commémorative à Paris,
lancez le diaporama en musique ou rendez-vous sur ma page facebook.

COEUR_65

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